"Le temps sera très ensoleillé ce week-end, et se maintiendra au beau fixe pendant au moins six semaines, jusqu'à l'été. Quelques ondées nocturnes abreuveront la végétation en quantité suffisante, et un grand soleil dominera nos journées tout au long de cette période. Les producteurs d'ananas de Wallonie verront leur production augmenter encore au cours de cette année 2043, et la qualité se hisser au niveau des exigences des meilleurs connaisseurs. Le vignoble wallon vient, quant à lui, de dépasser en superficie et en qualité celui du Bordelais. Le célèbre Villers-la-Vigne s'est vu décerner la Grande Médaille d'Or pour la sixième fois consécutive au Concours Mondial de Bruxelles, cette fois pour son millésime 2042"
En attendant ce jour, il pleuvait des cordes ce samedi sur le vignoble. Pas un chat, pas un vigneron, rien ! Ah, si, là bas : une étrange créature sans tête, avec de longues jambes, aux prises avec un engin pétaradant à qui mieux-mieux.
Non mais, vous avez vu un peu dans quelles conditions Jean-Jacques a dû tondre la pelouse ?
Hé oui, mes amis. Les natifs du 11 mai ont beau l'être sous un signe de terre, ce fut l'élément aqueux qui domina majestueusement cette journée. Le temps de me servir un petit Villers-la-Vigne de derrière les fagots, et j'arrive pour vous raconter ça.
La pluie s'atténua un peu. Un à un, on vit les Confrères sortir du nouveau chai, qui, attendant ses heures de gloire, s'était grimé en refuge pour vignerons en manque d'abri. Ah ! Parlez moi de la Sicile !
En l'absence de Marc, c'est Jean-Jacques, de nouveau, qui donna le la. Coiffé, cette fois, d'un ravissant chapeau à la Indiana Jones, il nous initia aux joies de l'épamprage. Travail délicat s'il en est : il s'agit, en quelque sorte, de caresser les pieds. Cela, nombre d'entre nous savent faire avec dextérité. Les pieds de vigne, évidemment 😉 . Et ce afin de supprimer les bourgeons et excroissances qui y pointeraient le bout de leur nez, et détournerait l'énergie que la plante doit consacrer au fruit.
L'ébourgeonnage, pourtant prévu pour aujourd'hui, sera effectué ultérieurement lorsque les cieux seront plus cléments.
Epampreuses et épampreurs, tous unis contre les pampres ! Tandis que nous épamprions, je songeais à la façon dont se conjugue le verbe épamprer, et aux réjouissances que la langue française nous propose dans de telles circonstances. Essayez donc les première et deuxième personnes du pluriel au passé simple, au présent du conditionnel, et à l'inévitable imparfait du subjonctif : vous passerez une bonne soirée…
Nous épamprâmes donc.
Les plus courageux d'entre nous procédèrent ensuite au nettoyage des terrasses, qui restait à finaliser. Armés de griffes, et autres ustensiles, les voilà travaillant le sol autour de chaque pied.
La pluie nous faussa compagnie un temps, mais ne s'en fut guère bien loin. Elle nous revint vite.
C'est alors que l'on assista alors à une scène inédite. Incroyable. Impensable en temps normal, si j'ose m'exprimer ainsi : notre maître de chai se mettre…. à l'eau. A L'EAU, mes amis !! Nan mais, à l'eau, quoi !!! Vous vous rendez compte, jusqu'où vont se loger les effets secondaires du réchauffement climatique ?
A notre grand soulagement à tous, l'heure de l'apéro salvateur arriva enfin. On s'en retourna vite au chai, sous abri, pour y noyer notre angoisse après ce à quoi nous venions d'assister.
Là, il y en avait pour tous les goûts, de divers pays et de toutes les couleurs. Rouges, blancs, rosés, d'Allemagne, de Bulgarie, de France, de Belgique. Saluons au passage une sympathique AOC Luigi 2012 que vous ne trouverez pas dans le commerce, et que seuls quelques privilégiés ont pu déguster.
Une éclaircie ? Bah ! N'y pensons plus. Question : vaut-il mieux être seul sous un soleil radieux, ou bien tous ensemble par temps de pluie ?
En tout cas, nous, à Villers-la-Vigne, nous connaissons la réponse.