Cette fois ça y est ! Voici venu le jour de la consécration de nos efforts, celui de la récolte.
Mais non voyons, pas les champignons! Si nous sommes venus ce matin, c'est pour ça :
Le soleil, lui, a manqué le rendez-vous. Ce n'est pas la première fois qu'il nous fausse compagnie en pareille circonstance. Bah! Qu'à cela ne tienne: nous sommes fin prêts.
Avant tout, ôter les filets, rempart entre le fruit et l'appétit des oiseaux, et qui se donnent des airs de voile de mariée. C'est l'heure des braves: les plus grands d'entre nous les passeront par dessus les rangées après avoir libéré les mailles de l'emprise de la végétation, et les moins grands aideront à les ranger dans les caisses. Un moment épique de la vie du vignoble, un pur bonheur chaque année renouvelé.
Nous y voilà! Un discours présidentiel de derrière les fagots, suivi d'un bilan de l'année viticole par Jean-Jacques, notre chef de culture. Si la vigne a souffert des chaleurs écrasantes de l'été, le fruit reste très beau. La quantité n'atteindra pas les niveaux record de l'an passé mais aura néanmoins de quoi nous combler d'aise.
C'est parti! Chaque sécateur trempé dans un doigt d'eau bénite, et ce sont treize rangées que nous allons délester de leur précieux fardeau en moins de temps qu'il ne faut pour déguster un apéro à Villers-la-Vigne. Tandis que certains expérimentent de nouvelles techniques de camouflage parmi les cépages, d'autres grappillent du raisin en cachette. J'ai les noms!
Direction le pesage. Olivier et Nathalie, stoïques comme au premier jour, lisent les indications de la balance et consignent tout cela en vue de savants calculs.
Pendant ce temps là, au tri, ça s'accumule. Les trieurs nous implorent du regard: n'en jetez plus! Allez, on va leur prêter main forte. Petit à petit, ça se dégage, et les seaux de raisin recommencent à affluer. « Et il m'en ref**t encore! » grommelle quelqu'un tandis que je déverse une nouvelle quantité de grappes.
Ça y est, on en voit le bout! Olivier, notre maître de chai, énonce les chiffres: nous avons récolté 835 kilos de raisin, et éliminé seulement 35 au tri. Les 800 autres iront au chai. Pas mal, non? Voilà qui justifie un petit réconfort.
Apporter le raisin au chai: encore un moment épique, devenu tradition en quelques années, et qui fait la joie des passants et automobilistes : « Tiens ! Pourquoi on s'arrête ? »
Voilà, c'est en place. Au chai, on s'affaire déjà. 230 kilos seront affectés à la production de notre déjà célèbre rosé, par pressurage direct post-vendange. En d'autres termes, ça n'attend pas et on y passera le week-end.
Pour les 570 qui seront affectés au vin rouge, il faut lancer le processus de la macération carbonique en grappes entières dans une cuve de 1000 dm3 saturée en CO2, munie de plateaux inox disposés en étages afin d'éviter l'écrasement des précieuses grappes. La température est portée à 26 degrés, et une injection complémentaire de gaz sera effectuée automatiquement à intervalles réguliers. Le processus durera une semaine. Regardez comme c'est beau…
Quelle belle journée pour clôturer une année de labeur! Quelques menus travaux encore, et la vigne entrera dans un repos hivernal bien mérité.
Philippe "Le vin, ça désinfecte l'esprit." Une consœur joliment inspirée