22 septembre 2018, de grand matin. Tout est calme à proximité d'un petit vignoble que nous connaissons bien. Le ciel s'est paré d'un gris peu engageant, et distille par intermittence quelques intempéries au gré de ses hésitations. Une seule certitude: le temps n'incite pas le vigneron à mettre le nez dehors.
Mais il faut toujours se méfier d'un vignoble ensommeillé un matin de septembre. Surtout si les cépages sont surchargés de superbes grappes.
Georges Brassens nous le pardonne, ce 22 septembre nous tient à coeur. C'est la date choisie pour les vendanges du Regent, et ce ne sont pas quelques gouttes de pluie qui nous feront différer nos plans, foi de vignerons villersois qui en ont vu d'autres!
D'ailleurs, la plupart sont déjà là, et il en arrive encore.
Certains sont déjà au travail, occupés à ôter les filets qui recouvrent les rangées, et préservent nos grappes de la voracité des oiseaux venus nous les disputer. On s'y débat, s'y empêtre, échange moult plaisanteries, et on y arrive enfin.
Voici venir le moment tant attendu, celui du discours présidentiel, émouvant à souhait, suivi de quelques recommandations d'ordre pratique.
C'est parti pour la cueillette! Les vignerons s'égaillent comme une voilée de moineaux. Je rejoins ma petite troupe au bout du rang 6. Plusieurs seaux plus tard, l'évidence s'impose: je n'ai guère avancé et suis toujours au bout du rang 6. Quand y'en a plus, y'en a encore. Engagez-vous, rengagez-vous, qu'y disaient…
Venez: allons donc surprendre les confrères en proie à cette situation inédite.
A la pesée, on avait réquisitionné deux balances. L'une d'elles ayant vite exprimé sa lassitude et son découragement, l'autre supporta seule la lourdeur de la tâche. Les peseurs se relayèrent auprès de Nathalie, stoïque jusqu'au bout. S'il n'en reste qu'une, elle sera parmi nous.
Le tri, à présent. Trois tables furent installées. Vu la qualité des grappes, une bonne partie de la récolte n'eut pas besoin de transiter par cette étape pourtant essentielle.
La pluie menace. Vite, mettre tout cela à l'abri! Qui se lasserait du spectacle de cette grande chaîne humaine traversant la route devant cette bonne vieille porte de Namur, face aux automobilistes attendant sagement leur tour de passer?
Quelqu'un a allumé le barbecue. Cette fois, il drache fort sur notre petit clos. A tel point qu'il a fallu sortir la tonnelle, ou du moins ce qu'il en reste, pour ce qui fut probablement sa dernière mission: protéger nos grillades de la pluie. Nous voilà enfumés comme des rats, contraints de choisir: la fumée ou la pluie.
Bah ! Qu'à cela ne tienne, puisque la fort jolie salle de l'ancienne carrosserie nous attend pour nous y sustenter un peu. Joyeuse ambiance vigneronne comme on aime, blagues, taquineries, annonces diverses.
Un objet métallique tapote un verre. Un son cristallin invite à faire silence quelques instants. Un jeune homme que je connais bien prend la parole: « Je suis fier de vous annoncer que nous avons récolté 1125kg de raisin! » Yesssssssss!
Non cher lecteur, ce n'est pas fini: voici venir le meilleur. Vu la quantité annoncée, des décisions de premier ordre s'imposèrent sur le champ. Les cuves destinées à la macération carbonique ne pouvant accueillir que 900 kg de raisin, que faire de la quantité restante? La réponse arriva vite: Villers-la-Vigne va produire son premier rosé !
Du coup, il ne fallait pas attendre. Voilà une poignée d'irréductibles déjà à l'ouvrage pour égrapper, fouler, et presser 220 kg de Regent avec la perspective de 175 bouteilles du nouveau breuvage.