Une douce lumière automnale commence à poindre. C'est une bien jolie journée qui s'annonce. La vigne s'est parée de ses plus beaux atours. Les courbes gracieuses des filets noirs qui la recouvrent lui donnent quelque chose de majestueux. Nous autres Confrères, tous différents par nos réalités et nos convictions, nos forces et nos faiblesses, sommes venus à elle. Elle nous unit, nous fédère. La vigne est forte de nous. Nous sommes forts d'elle.
Ce matin est celui de la consécration des efforts d'une année de viticulture. Fixer la date des vendanges, ce n'est pas simple. Savamment positionnée entre les réalités de l'ensoleillement et les menaces que la pourriture fait peser sur nos belles grappes, coïncée entre les exigences de divers agendas, elle a donc été fixée à ce samedi 20 septembre.
Les filets, vous le savez, c'est pour empécher les oiseaux de venir se repaitre de notre raisin. Non mais des fois! Les poser est une joie, les ôter un pur plaisir: vous êtes là, bras tendus vers le ciel, déployant toute votre hauteur, à essayer de supplanter celle de notre voisin. Kili kili! aurait pu faire Luigi. Moi, j'ai eu la bonne idée de porter une chemise. Ah! les mailles du filet se prenant dans les boutons, quel régal!
Bon, l'heure tourne. Olivier a consulté sa montre: il est dix heures passées. Rassemblement!
Tout empreint de pédagogie, il nous rafraîchit la mémoire à propos du processus de vinification, et nous dispense les indications nécessaires au bon déroulement de la vendange. Important: ne pas remplir les seaux, afin d'éviter l'écrasement des grappes. Leur bon état est essentiel à la réussite de la macération carbonique. La presse est avec nous en la personne d'Adrien vigneron, de La Capitale, et n'en perd pas une miette.
Nous sommes nombreux. Ca ira vite. Allez, c'est parti!
Ohé! Du pesage! C'est Christophe qui sert de poids-étalon, cette fois.
Vous n'avez pas oublié la formule, j'espère: x = PTC – (PCv+PSv), où x représente la quantité de raisin recherchée, PTC le poids total constaté sur la balance, PCv le poids de Christophe à vide et PSv le poids d'un seau, à vide lui aussi.
Impassible, Christophe énonçait valeur du paramètre PTC. Olivier notait avec application.
Le raisin s'amoncelait sur les tables. Les trieurs déjà à l'ouvrage, il devenait difficile de se faufiler pour attraper une grappe. On dut installer une table supplémentaire. Les grappes sont encore toutes belles, mais il était temps de vendanger. Une par une, les débarrasser des insectes et autres bestioles qui y avaient élu domicile, supprimer les grumes atteintes de moisissure ou même douteuses. Le travail, bien que minutieux, avança vite.
Allez, direction le chai, à présent. Autrefois, il nous fallait placer la récolte dans des coffres de voiture, et l'emporter à Marbais , où s'effecuait la vinification. Ces temps désormais révolus, c'est un nouveau spectacle qui nous attend chaque année: cette chaine humaine se formant, telle une grosse chenille, pour déposer la précieuse récolte en notre nouveau chai, tout proche. Désolé pour la photo, mais vu la longueur de cette formation, mon objectif, pourtant grand angle, ne cadrait pas assez large…
Entre temps, Jean Jacques avait allumé le barbecue. Voyez avec quelle efficacité il sut obtenir obtenir un maximum de braise en un temps record…
Allez, on a bien travaillé. Place aux grillades, cochonailles, fromages et autres réjouissances gustatives. Place à la convivialité, aux blagues, rigolades, et au plaisir d'être ensemble.
Le ciel se montrait clément. "Qu'on est bien…" fit quelqu'un. Les autres approuvèrent.