Grisaille et brouillard, ce matin là. Le vignoble semble somnoler encore. Rien ne laisse entrevoir ce que cette matinée aura d'événementiel. Et pourtant, les vendanges du Regent, ça n'arrive qu'une fois par an. Et encore….
Les premiers vendangeurs font leur apparition. Tout à l'heure, il y aura du monde. Christophe est là, son livre de chevet à la main. Je ne l'avais pas vu, car Patrick s'était mis devant lui 😉
Bon, ça y est, la plupart sont arrivés. A présent, on peut y aller.
Ah, ôter les filets ! Les mailles prises dans les feuillages, la végétation qui s'accroche : pur bonheur, vous dis-je ! Surtout quand on mesure moins de 1m90. Vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi c'est Patrick qui fut nommé préposé aux filets, et ce à l'unanimité ?
Pendant ce temps là, mon copain Yacine signait son engagement pour de longues années à la Confrérie. Observez Jacques, impitoyable, se frotter les mains de contentement : « Et hop ! Encore un de ferré ! » tandis que le jeune Simon semble implorer : « Non Papa, fais pas ça ! »
Un briefing en règle, nos orateurs juchés sur un perchoir les rapprochant de la voûte céleste. Observez ces attitudes expressives : Imaginons une séquence, intitulée :
« Mais qui a sifflé les dernières bouteilles de 2010 ? »
Voyons les dialogues : photo 1) Jean-Jacques : "Vous, là-bas, sortez des rangs et venez ici!" Photo 2) Christophe : "C'est pas moi, m'sieu ! Et puis, il en restait si peu…" photo 3) Edmond : " Ah, elle est belle cette génération, tiens ! " photo 3) Olivier : "Je note, je ferai un rapport" photo 4) Christophe : "De toute façon, des 2010, y'en a encore… elles sont planquées là-bas.." Evidemment, cela n'est que pure fiction 🙂
Soyons sérieux : le raisin attend ! Après les recommandations d'usage, nous voilà à l'ouvrage. Les deux terrasses inférieures furent vite délestées de leurs grappes.
Chacun évoluant au même rythme, tout le monde convergea ensemble vers le pesage, de sorte qu'une file se forma rapidement : poussez pas !
La plaine, à son tour, ne résista pas longtemps à l'assaut de la horde de vendangeurs décidés. Au bout d'une heure, il ne restait plus une grappe.
Au tri, à présent. Les places étaient chères autour de la table. Pas facile d'approcher. Je parvins à attraper une grappe, sauvant l'honneur, pouvant ainsi me targuer d'avoir participé à cette opération décisive, qui, aux dires de certains, place notre vin au niveau d'un Cheval Blanc, ou encore d'un Petrus. Vous en doutiez?
La récolte fut pesée rang par rang. A l'issue de savantes additions, on l'estima à 300 kgs. Mais des doutes et incertitudes subsistaient, ces chiffres étant probablement trop optimistes. On attendit donc la pesée après tri.
Nous, à Villers, nous avons mis au point une méthode de pesage très en avance, et dont chacun pourra s'inspirer avec profit.
D'abord, il faut peser Jean Jacques. On a choisi une balance de capacité adaptée. (Le premier qui rigole….) N'attendez pas ici de confidence : le résultat que l'on y lira reste un secret de Confrérie.
Ensuite, le même Jean Jacques remonte sur la balance, lesté cette fois un casier rempli de raisin, tenu à pleine mains. Nouvelle lecture ( …marche plus, c'te balance… )
Enfin, il suffit d'effectuer la soustraction adéquate selon la formule de calcul mise au point par nos mathématiciens :
Soit x la quantité de raisin recherchée:
x = Poids total constaté – poids d'un casier vide – poids de Jean-Jacques sans casier
Condition : interdire à Jean-Jacques de vider ses poches, boire un litre d'eau, manger un sandwich, ôter ses godillots, satisfaire un besoin naturel, ou toute autre action susceptible de modifier son poids au beau milieu du processus, ce qui aurait pour effet de fausser les résultats.
Verdict :ce ne furent plus 300 kg, mais 210 kg après tri, et donc la perspective de 160 bouteilles. Evidemment, ce fut moins qu'espéré. Voyez un peu la tête de Christophe à l'énoncé de ces chiffres.
Restait le test du réfractomètre. Là, ça allait déjà mieux, avec la promesse d'un beau 11,5°. Voyez un peu la tête de Christophe à l'énoncé de ces chiffres.
Côté chai, il fallait attendre un peu la mise en température avant d'y apporter le raisin. On décida donc de différer ces opérations, et de laisser la récolte quelques heures au vignoble.
Allez, c'est l'heure de l'apéro. Dites, on l'a bien mérité, non ?
Ah oui! J'oubliais: la presse a relaté l'événement avec le brio qu'on lui connaît. Ne manquez surtout pas: